Bio
De leur bureau, ils voient les flancs escarpés du deuxième plus haut massif de Corse, le Monte Rotondo. Dans leur projet, on lit l’épaisseur des ouvrages maçonnés qui le peuplent. L’ubiquité entre le paysage de l’île de Beauté et Orma est envoûtante ; la frontière est floue entre leur vie, leur production et le territoire dans lequel elles s’ancrent. De l’île où ils sont nés, Jean-Mathieu de Lipowski, Alicia Orsini, François Tramoni et Michel de Rocca Serra connaissent l’histoire urbaine et architecturale autant que les chemins de randonnée. Le temps de l’école, ils ont troqué le sombre granit des roches de Corte pour le calcaire aveuglant des calanques de Marseille-Luminy.
D’autres lumières mais une même dramaturgie qui marque la rétine d’une empreinte ‒ orma, en corse ‒ persistante. La montagne et ses sentiers les ont rattrapés. Retour à Corte, donc, où les maquisards confirment leur attrait pour des projets ancrés dans leur contexte, pour les abstractions paysagères de RCR Arquitectes et l’artisanat sensible de Peter Zumthor. Stimuler la valeur culturelle et matérielle d’un site, ce qui fait sa spécificité, c’est pour Jean-Mathieu, Alicia, François et Michel, une manière de construire la légitimité d’une intervention, qui en devient introspective. Ils militent pour un « endémisme architectural » qui trouve sa pérennité dans ce que l’œuvre tire du lieu où elle s’inscrit. Incapables de concevoir des objets isolés, ils luttent contre une production générique gommant l’identité d’une situation, corse ou continentale. Car si leur méthode est née en territoire militant, elle s’impose partout où ils font projet. Telle une mission d’archéologues, Orma enquête sur le site, sa morphologie, son économie pour y trouver ses fondations. À n’en pas douter, c’est ce goût de la recherche qui a conduit Alicia à l’école de Chaillot. Chez Orma, l’étude patrimoniale est prospective, elle ouvre le champ à des interventions précises. Pour le Conservatoire du littoral, l’agence a diagnostiqué les phares de l’île et réfléchi à leurs scénographies futures.
À la demande du parc naturel régional de Corse, elle a étudié les douze refuges du GR20 en posant les bases conceptuelles de leurs potentielles extensions. Le paysage de plaine et d’altitude fonde chacun des projets d’Orma. Son architecture est mémorielle, sauvage, émotionnelle. Elle porte en elle l’aura des lieux. Comme la Casa Vanella construite avec les pierres du terrain, ou ces logements dans le village de Cristinacce en pin Laricio, une essence endémique. À eux quatre, les architectes d’Orma ont l’endurance des sportifs qui gravissent des sommets. Ils puisent dans le groupe l’énergie pour résister en territoire isolé, pour faire de leur mission professionnelle un projet culturel, celui d’une architecture localisée.